mardi 19 juillet 2011

dur métier d'éditeur, dur métier d'apprenti écrivain


Cher Monsieur Queneau. Dans l'antichambre des recalés de l'écriture. Dominique Charnay, Denoël. Article du 19 juillet sur nonfiction.fr


“Rêve de milliers de Français, être publié”, écrivait Marguerite Duras dans une enquête sur l’édition en France. Raymond Queneau en savait quelque chose. Le célèbre écrivain fut en effet également éditeur chez Gallimard, où il reçut des milliers de manuscrits accompagnés de lettres d’aspirants écrivains. Ce livre fait son miel des plus belles ou des plus drôles de ces lettres envoyées par des célèbres inconnus à Queneau de 1947 à 1974. Cet ouvrage situé entre le jeu érudit et l’exercice philologique est donc comme une petite découpe dans un immense texte non consacré, non retenu, oublié. Littérature potentielle ?


Exercices de style
Écrire une lettre à un éditeur n’est pas un simple geste bureaucratique : c’est tout un exercice de style. L’aspirant écrivain veut y donner un aperçu de sa génialité, et surtout séduire l’éditeur ciblé. Non seulement l’apprenti mobilise toutes les ressources de sa plume ; il en appelle aussi à des arguments extra-littéraires : rhétorique de l’apprenti.
Distance respectueuse, flatterie ou flagornerie sont souvent de mise (“Maître”…). Rien de tel qu’encenser ses ouvrages (en l’occurrence, surtout Zazie dans le métro) – même en avouant ne pas les avoir lus. Par ailleurs, l’apprenti aime adopter également un ton décontracté, plaisant, badin. En revanche, l’apprenti impatient – ou, pire, vexé – n’hésitera pas à adopter des procédés moins sympathiques : mélodrame, pathos, intimidation voilée, demande péremptoire de rendez-vous, chantage affectif, ou même culpabilisation morale (“Votre non-réponse serait regardée comme une fuite facile”).
Certains préfèrent parler directement de gain et d’argent : “Avec moi, vous feriez une bonne affaire.” D’autres jouent de la séduction : “Vous devez être un type un peu dans mon genre.” L’idée d’écrire au papa de Zazie encourage la cordialité, mais elle peut aussi être terrorisante : “Pour avoir le courage de vous écrire, je suis en train de boire de l’extrait de fenouille [sic]”… angoisse pataphysique. Le dialogue dérape souvent de façon inattendue. Tel écrivant signe une lettre incendiaire par la douce formule finale : “Tout mon mépris.” Tel autre au contraire s’en remet “à la grâce de Dieu et de M. Gallimard !”. Amen... (lire la suite ici)

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