L’Italie berlusconienne est une avant-garde trash. Une anticipation du pire à venir.Lors de cette rentrée littéraire numérique, le théâtre politique est à l’honneur, avec Silvio Blues, pièce satirique sur Silvio Berlusconi, publiée en version bilingue par Emue ! C’est l’occasion pour souligner que l’édition numérique peut se permettre des choix audacieux dans des genres et des formats boudés par la littérature papier, tout en leur donnant une visée internationale. Découvrez en exclusivité l’interview d’Andrea Marcelli, auteur de la pièce.
Andrea Marcelli, auteur de Silvio Blues.
Ta pièce de théâtre « Silvio Blues » est une satire féroce contre l’actuel président du conseil Italien. Son gouvernement a conduit l’Italie au bord de la faillite. Et pourtant, il continue de gouverner et de plaisanter. Comment expliques-tu une telle aberration ?
Silvio Berlusconi est parmi les rares leaders politiques que l’on peut trouver sur Youtube en train de chanter avec un foulard sur la tête suite à son implant capillaire. Indépendamment du jugement qu’on porte sur lui, l’homme est patent, manifeste ! Un population formée par des gens normalement constitués aurait regardé Berlusconi comme une tentative politique colorée mais impossible à soutenir. Le vrai problème, donc, ce n’est pas Berlusconi mais tous ceux qui ont vu en lui un grand homme d’état; tous les intellectuels qui ont soutenu un entertainer ; tous les journalistes qui se sont hâtés de le servir sans vergogne.
Berlusconi contrôle à la fois la Mondadori, la plus importante maison d’édition italienne, ainsi que Mediaset, grand groupe médiatique (qui comporte trois chaînes de télévision). Plusieurs journalistes ont déjà été licenciés ou censurés, y compris dans les chaînes d’État. Que penses-tu de cette situation de quasi-monopole éditorial et médiatique ? Penses-tu que ta pièce pourrait être publiée et/ou représentée en Italie un jour ?
C’est une situation pathétique. La télévision italienne c’est un cloaque à ciel ouvert, c’est laid, c’est stupide, ça titille le pire de la nature humaine. Les journaux télévisés c’est du télé-Kosovo. En cela l’Italie berlusconienne est une avant-garde trash. Une anticipation du pire à venir. En même temps, il ne faut pas oublier que, les quasi vingt ans de domination berlusconienne, ont été entrecoupés par deux gouvernements de gauche. Deux fois, l’opposition a eu la chance d’achever un homme politiquement exsangue et mettre fin à cette anomalie… à chaque fois ils ont réussi à ranimer un mort. L’étude de Silvio Blues devrait donc devenir obligatoire en Italie comme en Chine était obligatoire le livre rouge de Mao ! Sans blagues, je ne sais pas si Silvio Blues sera représentée en Italie un jour. Je le souhaite ! L’Italie c’est une démocratie bloquée mais ce n’est pas une dictature.
Dans ta pièce, tu imagines que Silvio une fois déchu redevient chanteur de charme et qu’il subit, entre autres, un procès télévisé. En quoi les médias contribuent-ils à une hégémonie politique et culturelle en Italie ? Quelle issue prochaine vois-tu pour l’Italie, et quels sont les scénarios de l’après-Berlusconi ?
La télévision c’est tout pour Berlusconi, c’est le miroir magique de Blanche neige. En cela l’idée d’un procès en direct télévisé m’a paru croustillant, un peu comme dans loi du contrapasso chez Dante Alighieri. La télévision berlusconienne a construit le terrain adéquat, l’humus favorable de sa domination politique. L’homme et ses télévisions ne font qu’un. Même s’il quittera le pouvoir, emporté probablement par une crise économique sans précédents, le berlusconisme, en tant que culture, finira avec la mort de Berlusconi. Machiavel, en son temps, disait déjà que les italiens pensent d’abord à leurs intérêts privés avant de penser à la chose publique. Berlusconi a transformé la chose publique en domaine privé en vendant aux gens un rêve Club Med. J’espère que cette expérience puisse faire évoluer la pensée collective mais je reste pessimiste.
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